Que se passe-t-il concrètement dans notre cerveau lorsque l’on rêve : une reprogrammation neuronale ?
En 2018, une étude associant des chercheurs français de l’Inserm, l’ESPCI Paris, le CNRS et la Sorbonne Université, a mis en exergue une phase d’hyper-synchronisation cérébrale chez le rat lors du sommeil paradoxal.
Grâce à une technique d’imagerie à ultrasons ultra-rapides – utilisation combinée d’ultrasons et d’imagerie vasculaire – appelée fU (functional Ultrasons), les chercheurs ont montré que lorsque le cerveau rêve, la plasticité neuronale est à l’œuvre : les neurones se reconfigurent.
Cette étude corrobore la Théorie des Groupes Neuronaux. Cette théorie a été initialement portée par Gerald M. Edelman, Prix Nobel de médecine avec Rodney Porter en 1972 pour leurs recherches sur les anticorps.
Le rêve : une reprogrammation neuronale
Les premiers efforts de rationalisation des rêves apparaissent dans la Grèce ancienne. Aristote est l’un des premiers à postuler que le rêve trouve ses origines dans « les préoccupations de l’état de veille restées prégnantes chez le dormeur ». Le rêve donnerait des indications sur les événements ou préoccupations ignorées durant le jour.
Pour Freud, la production onirique est une matière qui éclaire les contenus inconscients de notre psyché. Ce dernier postulait même que le réseau neuronal produisait une énergie électrique si puissante que le cerveau, au moment du rêve, se déchargeait pour effectuer une sorte de réinitialisation.
Il a depuis été prouvé que l’une des fonctions vitales du rêve est de jouer un rôle de soupape pour notre cerveau. D’un point de vue cérébral, le Rêve Éveillé Libre agit de même, comme une reprogrammation neuronale.
Dans une interview recueillie par les équipes de Spasmagazine en 2006 (N°13, Janvier-Février), Georges Romey, le père de la méthode du Rêve Eveillé Libre, explique :
“On ne peut ignorer que le fonctionnement du dispositif neuronal repose sur une organisation en réseaux. Chaque cellule d’un réseau, le neurone, peut être reliée à 10 000 autres cellules, celles-là pouvant appartenir à de multiples autres réseaux. Le potentiel de ce dispositif peut être évalué à un million de milliards de connexions neuronales.
Cette vertigineuse complexité est encore multipliée par ce qu’on nomme aujourd’hui la plasticité neuronale.
Encore ignorée il y a quelques décennies, la Théorie des Groupes Neuronaux (TGN) repose sur les travaux de Gérald M. Edelman.
La Théorie des Groupes Neuronaux (TGN) postule le fait qu’un réaménagement constant s’opère dans le dispositif neuronal. Chaque cellule d’un réseau informe instantanément toutes les cellules avec lesquelles elle est en connexion de la moindre modification du réseau auquel elle appartient. Ainsi, l’on peut d’affirmer que ce n’est jamais le même cerveau que l’on utilise !
Il s’ensuit aussi que l’état donné d’une maille d’un réseau peut influencer, suivant sa position dans le système, non seulement l’ensemble de ce réseau, mais aussi la totalité du dispositif neuronal.
Ainsi, un enregistrement traumatique à la naissance par exemple, qui s’est inscrit, peut conditionner des modes réactionnels spécifiques, susceptibles d’influencer les comportements pendant toute la vie si rien ne vient «corriger » l’état des lieux.
L’efficacité d’une technique thérapeutique, quelle qu’elle soit, dépend de sa capacité à favoriser une action de l’influx nerveux sur les neurones qui ont enregistré le fait traumatisant et qui conditionnent un comportement indésirable : l’angoisse ou la somatisation par exemple.
C’est à l’instant où l’influx nerveux agit sur les neurones concernés qu’il provoque, par excitation de ces derniers, l’apparition des images associées à l’origine du malaise.
De ce point de vue, le symbole n’est pas vraiment l’acteur de la modification neuronale mais plutôt son révélateur ! Les images que reçoit le thérapeute à l’écoute d’un Rêve Eveillé Libre par exemple, ne sont que les témoins, certes précieux, d’un immense travail de réorganisation neuronale concernant parfois des millions de connexions.
Lorsque les images sont exprimées, la modification neuronale est déjà réalisée mais leur nature renseigne sur les aspects de la problématique qui viennent d’être soumis à la modification.”
Le rêve, une soupape nécessaire pour le cerveau
Les fonctions du rêve nocturne sont multiples : consolider la mémoire, réguler les émotions ou encore régénérer le système nerveux… L’être humain a besoin de sommeil pour aller bien !
Le rêve permet d’exprimer et de décharger les tensions corporelles ou psychiques. Il sert également à soulager le cerveau lors d’événements traumatiques. La reviviscence d’un événement au cours d’un rêve (ou cauchemar) agit comme une soupape et participe à libérer l’émotion qui a été contenue dans une situation donnée. Le cerveau a tendance à représenter les images traumatisantes vécues par la personne, à répétition. Cette répétition a pour fonction de dissiper la charge émotionnelle associée au traumatisme, afin de l’en libérer définitivement.
Il existe une large classification de rêves. Il existe notamment le rêve typique (tomber dans un trou, perdre ses dents) ou le rêve prémonitoire. Aussi utilisé comme générateur de créativité par les peintres, le rêve servaient d’inspiration à Dali et William Blake.
Mais concrètement, peut-on observer un rêve ?
Le rêve nocturne, compagnon du sommeil paradoxal
« Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller n’est pas un autre sommeil un peu différent du premier, dont nous nous éveillons quand nous pensons dormir ? » Pensées, Blaise Pascal
Le rêve nocturne intervient au cours du sommeil paradoxal. C’est en 1959 que le neurobiologiste français Michel Jouvet, découvre le sommeil paradoxal. Il désigne la phase durant laquelle apparaissent les rêves. Il a ceci de paradoxal que les fonctions musculaires sont mises en veille. En effet, le corps est inerte alors que l’activité du cerveau, mesurée en fréquences hertziennes, correspond à celle d’une activité cérébrale intense. Elle est celle d’une activité de concentration, observable en état d’éveil. La phase de sommeil paradoxal se manifeste notamment par des mouvements oculaires rapides, Rapid Eye Movement (REM). C’est, dira M.Jouvet :
“La plus grande énigme que le cerveau du rêveur propose au cerveau éveillé.”
Concrètement, l’observation du rêve se matérialise par l’examen de l’oscillation des fréquences émises par le cerveau : l’activité cérébrale. La fréquence d’un cerveau oscille entre 0 et 200 Hz. Les différentes phases de sommeil s’observent en mesurant ces fréquences.
Les oscillations entre ces fréquences, appelés aussi cycles du sommeil se répètent entre 3 à 6 fois par nuit. Chacun de ces cycles s’étalent sur 90 minutes environ. Un cycle se compose de différentes phases. Lors de la phase d’endormissement, le cerveau est plongé dans des ondes alpha. C’est le moment durant lequel le corps se relâche, le mental se met en veille l’état qui précède le sommeil léger. C’est le même état que l’on observe lors de la production d’un Rêve Éveillé Libre.
Vient ensuite la phase du sommeil léger qui correspond au tri et à la sauvegarde des événements survenus durant le jour.
Le sommeil profond, lui, correspond à une des dernières phases du cycle du sommeil et a pour fonction de faire un ménage physiologique du cerveau. Enfin, le sommeil paradoxal apparaît : c’est le temps du rêve et de la régénération du système nerveux.
Le sommeil paradoxal se mesure en ondes gamma et correspond à un sommeil profond. Il est le moment scientifiquement établi comme étant le point de production des rêves. La fréquence des ondes se mesure entre 40 et 80 Hz. En effet, elles sont aussi les seules à se diffuser dans toutes les parties du cerveau simultanément (cortex, hippocampe et thalamus).
Le cerveau passe environ 20% de sa nuit dans un sommeil paradoxal. Si sa fonction précise reste inconnue, les recherches précédemment citées laissent penser que les « poussées vasculaires » ; les importants afflux sanguins observés au moment du sommeil paradoxal dans le cerveau du rat, qui se diffusent dans l’hippocampe et dans l’ensemble du cerveau, auraient une fonction bien plus globale que la simple régénération du système nerveux. Elles participeraient à synchroniser l’ensemble des parties cérébrales. Lorsque le cerveau est plongé dans ce sommeil paradoxal, la conscience semble s’évaporer.
Le scénario onirique nocturne est généralement hors de contrôle du rêveur ou de la rêveuse, contrairement au Rêve Éveillé Libre où le sujet a conscience des images qu’il produit.